Reportage vécu et raconté par Bernard LEFEVRE
Un peu de lecture ?? Very Happy
5ème Routes du Jura consécutifs pour Michel et moi sur la R8 Gordini. C'est notre plus haute participation d'un même rallye. Tous le monde connait nos mésaventures de boite de vitesse lors de nos trois premières éditions. Mais le mauvais sort s'est détourné l'année dernière nous laissant finir avec une probante 10ème place. Nous comptions bien évidement améliorer cette position cette année.
Taux de participation au mieux : 69 engagés ont répondu présent pour en découdre. Belges, suisses, luxembourgeois et anglais composent d'ailleurs plus de la moitié des équipages !
Le charme cossu et velouté d’une XK150 de 1959. J’aimerais bien faire une épreuve un jour dans ce genre de voiture…
Mais il faudra m’enlever ce fils d’iPhone !
Les vérifications techniques et administratives se déroulaient comme de traditions le vendredi après-midi au Chalet du Mont Roland. Mais, il y avait une nouveauté cette année : un prologue facultatif était proposé cette fin d'après-midi. D'une longueur d'environ 70 Km, il représentait un éventail des ̶d̶i̶f̶f̶i̶c̶u̶l̶t̶é̶s, des subtilités de la navigation en rallye. C'est une bonne mise en jambe ! Malheureusement il était impossible pour moi d'y être, arrivant tardivement à Dôle. Mais Michel, avec son flexible emploi du temps de jeune retraité, y a participé. Un œil sur la route, un œil sur le roadbook, le trip pas étalonné, il a fait tranquillement cette boucle, s'aidant parfois de concurrents pour le "tirer". Il était ravi de ce hors d'œuvre, et constatant qu'un trip étalonné est quand même gage de temps gagné, il passa une partie de la soirée à le mettre "aux petits oignons".
Les choses commençaient pour de bon le samedi matin à la fraiche sous un enthousiaste soleil.
Depuis l'année dernière ce rallye est découpé avec une multitude de CH (27 CH) qui sont placés juste avant une zone de régularité. Cela permet donc de commencer les ZR à l'heure, d'effectuer une vrai régulation et est aussi un gage de sécurité pour tout le monde. La première étape de 60Km nous a paru simple : que du fléché métré ou non, avec 2 ZR. Nous sommes vigilants et appliqués, et tout se passe bien. Nous descendons vers Arbois, Pupillin et Poligny. Nous régulons dans les vignes !
Et tout se passe même très bien avec la gargantuesque pause peu après Poligny ! Même si c'était simple, les belges Thirion père & fils ont quand même jardiné dans la dernière régul, y laissant des plumes, tout comme les Wante. Pire, Christian Laufs, qui était 2ème l'année dernière, ne passe pas devant un contrôle de régul. Idem pour la Chevrolet Corvette des Luxembourgeois (4ème en 2016). Bernard et Alexandre Perret, sur leur A110, se battent contre une sonde de trip aléatoire. Les choses se dessinent...
La deuxième partie de la matinée est à peine plus corsée : beaucoup de fléché, métré ou pas, avec des cases mélangées, fléché sans boule, et une longue carte à tracer sur la fin. Nous continuons à descendre au sud. Voiteur, Baume-les-Messieurs et contournons Lons-le-Saunier. Nous passons en ZR sur une très belle route qui monte en épingle et en forêt, peu après Vernantois. C'est humide, ça glissouille, la R8 dandine du cul. Quel régal !
Excès d’optimisme pour la lourde Mustang qui est venue caresser le rocher dans la ZR.
Pourtant notre rallye se jouera dans cette presque banale étape. A la sortie de cette 5ème régul, un banal fléché métré nous emmène vers le carto. J'annonce les notes :
- on roule 1 km 3, jusqu'à un 4 routes avec un stop, nous irons à droite vers NOGNA.
Quand il y a des distances d'un kilomètre ou plus, je profite toujours pour anticiper dans le roadbook. Là en l'occurrence, je commence à potasser le carto : une carte au 50 000ème, avec un quadrillage Lambert (vielle carte !... méfiance...) mais qui a été réduite à la photocopieuse. L'impression n'est pas très bonne. Il y des flèches et des points de passage... tracer au plus court...
- On y est !... me dit Michel
- Donc... à droite ! On roule là-dessus 1 km 4 et on quittera à droite, en sifflet, en direction de POIDS de FIOLE, le panneau sera à droite en face...
Et je me replonge dans le carto. Ca prend forme... ne pas oublier un point (comme l'année dernière au Routes des Vosges !)... je prévise deux villages qui seront critiques, il faudra être attentif...
- On y est !
- Bien... On roule jusqu'à un T avec un stop, on ira à droite. Pas de distance ! On va arriver au départ de la carte.
Je retourne dans le carto, j'ai presque terminé... là, ce décroché sur la carte n'est pas anodin, il doit y avoir une astuce sur le terrain...
D'un coup, brutal coup de frein !
- M... ! On vient de dépasser une pince, m'annonce Michel.
Marche arrière de 20-30 m, je profite pour vérifier la recopie des derniers CP : tout est bon. La voiture est serrée contre la pince, je tends les bras et poinçonne !... Et là une petite voix me dit... nt nt nt !!!... ce n’est pas logique : au Jura les pinces sont avant les CH pour "verrouiller" les cartons. Et là... point de CH avant des kilomètres. Je suis soucieux :
- Il y a un truc qui cloche ! Ce n’est pas logique...
- ...
- La distance au quitter droite en sifflet... Elle était bonne ?
M... ! Je ne l'ai pas contrôlé de visu sur le trip, j'avais la tête dans le carto.
- Bé... je pense... droite en sifflet, panneau "POID de FIOLE" en face de nous, ça collait !... me dit Michel, essayant de nous rassurer.
- Il faut remonter au précédent 4 routes et reprendre la distance.
Demi-tour et retour aux 4 routes à 6000 tr/min ! En remontant, je vois qu'effectivement 30-40 m avant notre quitter droite, il y a un autre quitter droite, exactement dans la même configuration. La reprise et le contrôle de la distance nous le confirmera. On a pris une fausse pince comme des débutants en youngtimer ! Cette pince va nous couter très, très cher !
On part dans le carto avec un peu de retard. Mais ce que j'aime bien dans le carto, c'est qu'on peut rouler. J'annonce les virages, les intersections... ça envoie, ça enfile ! Le passage dans le premier village est plus facile que je ne le pensais. Mais le deuxième village nous pose un problème : Il y a une courbe que j'estime "à prendre", mais on peut couper par une rue... J'hésite... Le piège est identifié et armé... il faut prendre une décision : c'est la carte qui fait foi, et je ne vois pas cette rue sur la carte, on prend donc la courbe et le CP qui va avec ! Malgré tout nous serons 3 min en retard au CH très proche (avec, évidement, une pince juste avant...).
Bouchon de pompe à essence !
Cette fausse pince nous a cassé un peu le moral pour la pause déj. Pire, il semble que nous soyons les seuls à l'avoir prise... grr !! Et ce n’est pas fini : là où nous avons hésité, il fallait prendre cette petite rue. Mais nous ne sommes pas les seuls à l'avoir prise : Pigeolet, Damseaux, les Wante... Il y a un peu polémique avant le déjeuner. Mais je dois bien avouer, là, à étudier la carte au calme à la maison, je pense effectivement qu'il fallait la prendre cette petite rue. Nous voilà donc avec 2 CP dans la musette !
Nous déjeunons à la base nautique de Bellecin, en terrasse, surplombant le lac de Vouglans. Jamais nous ne sommes descendus aussi bas dans le Jura. Le panorama est grandiose et les assiettes le sont moins...
Le ciel se couvre, il y aura des averses dans l'après-midi.
Nous repartons, cap au nord, en première partie de l'après-midi pour une étape de 70 km. Cette fois, on entre dans le dur. Ca commence par un carto à tracer sur deux cartes. Puis suit une ZR de 12 km avec pas moins de 27 cases consécutives en fléché, non métré ! Il s'agit de ne pas perdre le fils sous peine de galère. Comme tout le monde nous allons prendre du retard, sur plusieurs contrôles de cette ZR, surtout vers la fin où nous tournons beaucoup dans un village, avec quelques hésitations. Hermans-Pigeolet sur Alfa Giulietta seront à presque 1 mn de retard, Damseaux sur 911, tout comme nous, à un peu plus d'1 mn, les Thirions à 1'30''... Tout le monde ?... presque : seul Berteloot et Mademoiselle Wante, sur Porsche 924, feront une belle régul. Ca se dessine...
Puis nous attaquons un fléché allemand de 6 km. Nous devrons le reprendrons une nouvelle fois depuis le début, heureusement nous n'étions pas loin du début.
Suit à nouveau un carto à tracer, avec des points très proches les uns des autres, et des CP dans tous les sens. Il faut donc trouver le parcours le plus court et prendre les bons CP. Et enfin une dernière arrête de poisson de 8 km, que nous ferons très consciencieusement !
Cette étape était très dense. Nous pointerons avec 3 min de retard au CH. Ce ne sera pas le cas de tout le monde : Berteloot sera à 7 min, les WANTE à 9 min, les Perret à 15 min... Seuls Thirion et Damseaux sont à 0. Coté CP, la 924 de Berteloot prendra son premier, la Giulietta de Pigeolet son deuxième. Notre carton sera sans faute. Ca se précise...
Nous reprenons le cap après cette toujours excellente pause gouter -Oh il reste du jambon grillé de ce matin ... mmhhh !! - pour la dernière étape de la journée, longue d'une soixantaine de kilomètre. Ca commence par une ZR de 13 km et encore 38 cases consécutives, voire mélangées, en fléché non métré ! Ne pas perdre le fils... Et cette fois nous serons très efficaces ne laissant quelques secondes par-ci par-là. Les Perret jardinent sur la fin. Catastrophe pour les Wante qui jardinent dès le début de la ZR et prendront 3 min sur chacun des 6 CR. Catastrophe pour Hermans-Pigeollet qui ne passent pas devant un contrôle...
Et pour terminer l'étape un long carto-puzzle, non jointif, à tracer. Il faut s'aider des numéros de routes sur la carte, des directions des villages sur le terrain, et petit à petit ça se dénoue. J'estime que nous sommes dans les temps, et nous roulons tranquillement vers le dernier CH de la journée en mode "liaison", quand nous sommes témoins d'une scène rare. L'Alfa des Thirion nous rattrape et nous dépasse très rapidement. Il faut dire qu'ils étaient partis 2 min devant nous, si maintenant ils sont derrière nous c'est qu'ils sont "à la bourre". Dans une ligne droite en forêt, on peut voir le CH final au bout, l'Alfa vole !
Coup de frein brutal de Michel...
- M... ! On vient de dépasser une pince, m'annonce-t-il.
Marche arrière. Mais cette fois nous prenons notre temps pour réfléchir. Les Thirion ne se sont pas arrêtés pour la prendre... Pourtant je suis sûr de mes distances précédentes, et on voit le CH, il est donc logique qu'il y ait une pince. Tout colle parfaitement. C'est une vraie pince et ils ne l'ont pas vu ! Les Thirion qui ratent une pince et pointent 1 min en retard... Tout ça en 100 m : très rare ! Ca se met en place...
Soirée traditionnelle au Chalet du Mont-Roland.
Il y a eu un peu de pluie dans la nuit.
Au Routes du Jura, les résultats ne sont pas annoncés étape par étape, pas même de la veille pour le lendemain... Le dimanche matin, seuls les 5 premiers de chaque catégorie sont connus, et dans le désordre. Et c'est avec surprise que nous lisons notre numéro. Nous accompagnons Berteloot, Thirion, Damseaux et Bennachio sur 911.
Coup de théâtre au départ ce dimanche matin : la 911 des Damseaux ne démarre pas ! Ils sont pourtant venus jusqu'au parc (ils étaient dans le même hôtel que nous), mais la voiture ne veut plus rien savoir. Malgré l'aide de tous les mécanos du rallye, ils seront contrains à l'abandon. C'est dur ! Nous saurons à la fin du rallye qu'ils étaient les premiers avant l'abandon.
L’équipage Berteloot et mademoiselle Wante au départ.
Nous partons pour une étape de 60 Km, avec, il faut bien avouer, une certaine pression. Et ça commençait mal : dans Dôle, une note sur un rond-point nous dit de sortir à la 1ère sortie. La note suivante nous dit de sortir, sur le rond-point suivant, à la 3ème. C'est facile, les panneaux des ronds-points visualisent très bien les sorties...
Coup de frein brutal de Michel !
- M... On vient de dépasser une pince...
Marche arrière. Mais cette fois, plus qu'à l'évidence, c'est un piège. Pas une 2ème fois ! Nous sommes donc retournés vérifier le dernier rond-point, et constatons que contrairement aux panneaux routiers qui ne montrent que quatre routes, il y en a réellement cinq ! Beaucoup de voitures se sont fait piégées sur ce bête écueil. Berteloot notamment y laissera 3 min au CH suivant...
Nous avons ensuite un condensé de fléchés, mélangés, boule sans flèche, carto et arête de poisson, tantôt dans la brume, parfois sous un timide rayon de soleil. Nous sommes vigilants, concentrés et appliqués. Nous régulons au mieux et Michel à les yeux rivés sur le bas-côté. Ca passe sans jardinage... ou presque. Dans le dernier carto de cette étape, selon mon tracé, nous devons prendre une route sur 4-5 km. Mais je me rends compte en traçant qu'il y a un endroit, très court de 4-5 mm, qui passe en pointillé, nous interdisant donc de passer. Ca sent bon la carte bidouillée... et le piège. Nous choisissons donc de prendre un autre itinéraire. Seulement voilà : une fois sorti du carto et revenu au fléché métré, ça ne colle plus du tout ! Je reprends donc mon tracé : mais il 'y a que deux itinéraires possibles. Soit la route qui passe en pointillée, soit celle qui ne correspond pas aux notes qui suivent. A vitesse répréhensible, nous essayons donc l'autre, celle normalement interdite par le pointillé. Nous retrouvons bien les notes et le bon kilométrage. Donc, il doit s'agir d'une erreur... Effectivement, ni Olivier Sussot, ni Patrick Darley n'ont vu ce petit bout de routes qui passait en pointillé. Les pénalités de timing et de CP qui pourraient s'ensuivre seront donc annulées.
Si pour les Thirion et nous, ça déroule tranquillement, Berteloot prend son 2ème CP, Benacchio aussi, et les Perret leur premier ! Ça prend forme…
Excès d’optimisme ?... Non, du tout !
Lors d’une marche arrière, une grosse et traitreusement basse jardinière de fleurs est venue se placer juste derrière…
Après la pause matinale, la dernière étape plutôt simple ne sera qu’une formalité de roulage pour tout le monde. Il y avait un amusant jeu de cartes à tracer : 5 fois la même carte, mais avec des points de passages différents. Ça nous faisait tourner plusieurs fois sur une même boucle bien virolante. Michel y a pris beaucoup de plaisir. Mais sur le parcours qui nous ramenait vers Dôle, Michel à commencer à se plaindre des freins… Lors de l’arrêt pour poinçonner la dernière pince, il jette un œil sur les bocaux de liquide de frein : le circuit arrière est vide ! Nous terminerons donc l’étape piano-piano en jouant du frein à main. Il était hors de question d’abandonner !!
Repas de clôture et remise des prix se sont déroulés dans la très belle salle de La Commanderie, aux immenses baies vitrées. Les voitures, toutes regroupées sur le parking privatisé pour l’occasion, étaient juste sous nos yeux.
Le verdict est tombé : Après l’abandon de Damseaux, c’était Berteloot-Wante qui était en tête, mais prenant un CP le dimanche matin, Thirion père et fils leurs chipent la 1ère place. En rendant un carton parfait le dimanche matin, nous gardons la 3ème marche du podium. Bénacchio-Vampouille en 4ème. Perret père et fils obtiennent la 5ème, Hermans-Pigeollet en 6ème. Un seul équipage a eu zéro CP, les belges Mathonet-Lauffs sur Volvo 122s, mais ont eu de grosse difficultés en régul.
Nous sommes bien évidemment ravis de cette position. Nous l’aurions signé avant le départ ! Au vu du décompte de points, nous pestons encore sur cette foutue fausse pince que nous prenons bêtement le samedi matin. Sans cette pénalité, nous serions sur la plus haute marche. Ça nous laisse donc une marge de progression pour l’année prochaine ! |